CDEN Mardi 18 octobre 2016

Déclaration Préalable de la FSU 28

Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil Départemental, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, Mesdames et Messieurs les membres du CDEN,

Le département d’Eure-et-Loir, terre de contraste, des marges franciliennes aux villages de Beauce, jusqu’aux collines du Perche, est aujourd’hui marqué par de véritables fractures. D’un côté des territoires où le risque d’échec scolaire est élevé, de l’autre des zones où ce risque est limité. Les dynamiques actuelles renforcent ces contrastes comme le dénonce le géographe invité par le Conseil Départemental à l’ouverture de ses « Assises de la Ruralité ». Ce géographe parle d’une « France périphérique ». Elle se développe en raison des choix politiques opérés par la République Française : mondialisation financière et commerciale qui met en concurrence les salariés du monde entier et qui détruit le tissu industriel des territoires ruraux d’Eure-et-Loir ; réforme territoriale qui met en concurrence les territoires plutôt que de construire leurs nécessaires solidarités et complémentarités.

Cette dynamique se retrouve évidemment dans le service public d’Education Nationale. Dans les collèges, ceux des villes, de la couronne périurbaine chartraine (Courville, Châteauneuf-en-Thymerais, Bonneval) et ceux du périurbain francilien (Maintenon, Epernon, Bû) arrivent à saturation. Cette dynamique joue aussi dans les écoles où des classes ouvrent à Dreux, ferment en Beauce et dans le Perche. Or, l’action publique s’avère déficiente dans l’accompagnement de ces dynamiques qu’elle a pourtant initié. Ceci se traduit par la dégradation continue des conditions de travail des personnels et d’étude des élèves en cette rentrée 2016 :

• en collège ce ne sont pas 30 (comme annoncé dans le document) mais 165 classes dont les effectifs dépassent 26 élèves, soit 22 % des 749 classes ! Leur nombre est en hausse de près de 30 % par rapport à l’année précédente

• dans les écoles, malgré la mise en place de dispositif (accueil des moins de trois ans, plus de maîtres que de classes) et une dotation positive dans un contexte démographique négatif, les moyennes par classe ne sont pas significativement orientées à la baisse.

L’action publique doit tenir compte de ces dynamiques ce qui passe par un allègement de la taille des collèges saturés en revoyant leur sectorisation et en prévoyant les, éventuelles, nouvelles implantations. La FSU rappelle ici son opposition à la concentration croissante des élèves dans des méga-collèges de plus de 800 élèves. Ces structures ne sont pas adaptées à la réussite de tou-te-s les élèves, en particulier de ceux issus des milieux les plus défavorisés. Dans les écoles, les acteurs publics doivent veiller à ce que le bâti scolaire soit en adéquation et en capacité daccueillir tous les élèves dans de bonnes conditions, notamment les moins de trois ans.

Ayant des difficultés à accompagner les dynamiques qu’elle a initié, comment imaginer que l’action publique puisse parvenir à les inverser ? Pour enclencher cette inversion, il faudrait au préalable rompre avec la façon dont cette action publique est menée. La mise en concurrence des établissements, des personnels, la marchandisation des services publics et des connaissances, la réduction des dépenses publiques, toutes ces politiques d’inspiration néolibérale ne permettent pas un aménagement équilibré du territoire.

Les mêmes orientations politiques sont à l’oeuvre dans l’Education Nationale où les réformes se multiplient car chaque ministre veut se montrer plus néolibéral modernisateur-trice, plus réformateur-trice, plus réformiste que le ou la précédente. Ces réformes se traduisent par une pression constante sur les épaules des enseignants. Elles s’articulent autour de la volonté de faire évoluer les pratiques pédagogiques pour résoudre les problèmes du système scolaire, notamment en matière d’inégalités. La réforme du collège est un bon exemple de cette funeste tendance. En ne proposant que la mise en place d’un nouveau dispositif de suivi des élèves (l’AP) et d’un nouveau dispositif pluridisciplinaire (les EPI), cette réforme pointe la pratique pédagogique comme responsable de ces problèmes, en oubliant les conditions matérielles de cette pratique, mais aussi, et c’est encore plus grave, les analyses scientifiques de ces pratiques. Aucun des multiples et successifs dispositifs de suivi individualisé des élèves (AP au lycée, APC dans les écoles) n’a fait la preuve de son efficacité ? Cela n’empêche pas le ministère d’en faire l’élément majeur de sa réforme du collège. La mise en activité et les pédagogies implicites gênent les élèves les plus en difficultés avec les démarches scolaires ? On axe les formations à la réforme du collège sur la mise en place de ce type de pédagogie à travers les EPI.

Il est donc nécessaire de faire évoluer aussi la manière dont les politiques éducatives sont menées. Assez de ces nouveaux dispositifs remplaçant les précédents sans qu’aucun ne soit sérieusement analysé. Assez de cette mise en cause unilatérale des pratiques enseignantes sans évaluation critique des réformes mises en place. L’Education Nationale doit prendre le temps d’évaluer les politiques qu’elle mène au lycée, au collège comme dans les écoles. Elle doit entendre les avis émis par les scientifiques que, du CNESCO à la DEPP, elle fait travailler. Elle doit entendre les plus de 35 000 enseignants du premier degré ayant décidé de ne plus perdre de temps à faire les APC.

En cette rentrée 2016, en Eure-et-Loir, d’autres difficultés s’ajoutent aux précédentes en raison des choix politiques opérés localement par les collectivités territoriales et les représentants de l’Etat. En n’assurant plus le remplacement des personnels ATTE dans les collèges, le Conseil Départemental dégrade les conditions d’accueil des élèves et de travail des personnels, que ce soit dans les salles de classe, les espaces extérieurs ou les services de restauration collective. La FSU dénonce ce choix et demande au président du conseil départemental d’être en mesure d’assurer le remplacement de ses personnels pour permettre la continuité du service public.

En décidant de fermer le collège Jean-Moulin à la rentrée 2017, le conseil départemental et le préfet vont déstabiliser l’ensemble des collèges de l’agglomération chartraine. Avec l’université d’Orléans-Tours, le Conseil Départemental est en train d’organiser le transfert de murs à murs de l’ESPE vers le site du PUEL. L’État doit veiller à ce que les mêmes conditions de transfert de murs à murs soient assurées aux élèves et aux personnels du collège Jean-Moulin. C’est pourquoi la FSU, au coeur du collectif Jean-Moulin, vous demande de reporter la date de fermeture de ce collège à la date d’ouverture du prochain site qui l’accueillera.

Enfin, les seuils d’ouverture et de fermeture de classes dans les écoles dans les écoles étant toujours ceux de 2011 (résultat de la politique de suppression massive de poste dans l’EN), les effectifs par classe n’ont que très peu varié. C’est pourquoi la FSU demande que soit pris en compte, lors de la préparation de la rentrée 2017, le voeu que le précédent CDEN a adopté. Il demandait l’abaissement de ces seuils et la fin de leurs différenciations entre maternelle et élémentaire.

Ce CDEN et cette rentrée 2016 se situent dans une période pré-électorale propice au débat et aux propositions. Comme on vient de le voir, la FSU participe et participera activement à ce débat afin de promouvoir sa conception d’un service public de l’Education Nationale ambitieux c’est-à-dire tourné vers la réussite de toutes et tous.