Parcours des mineurs

Abdoulaye a 16 ans.

Orphelin de père et mère dans son pays, il vit avec un oncle qui le violente. Abdoulaye finit par se réfugier dans une Eglise où il rencontre des gens qui l’amènent à prendre part à des manifestations. Abdoulaye est arrêté, emprisonné, il s’enfuit et quitte son pays.

Quand il se présente aux services de l’ASE à Chartres, on lui dit qu’on n’est pas convaincu par son histoire.

Abdoulaye attend 6 mois une audience avec un juge des enfants, dormant parfois au 115, et beaucoup trop souvent dans la rue. A ce jour il n’a toujours pas été reçu par un juge. Il est reparti, sans dire où il allait.

Mamadou a 15 ans. Il vient d’un pays où sévissent des violences inter-ethniques. Sa famille en est victime, et sa sœur en décède. Mamadou s’enfuit. Il traverse une partie du continent africain, passe 3 mois en Libye où il sera emprisonné. Mamadou me dira ces mots : « là-bas, les bandits attrapent les gens noirs ». Il me dira aussi qu’en Libye il a été témoin de l’assassinat par balle de trois personnes, dont une femme enceinte.

A Chartres, on ne croira pas qu’il a 15 ans, Mamadou est grand. Mais moi je me souviens de sa voix douce et fluette.

Après 6 mois d’attente d’une audience avec un juge, Mamadou est reparti

Ibrahim a 17 ans.

Ibrahim est sûr de son âge, mais des médecins à la suite d’un test osseux ont dit qu’il avait entre 18 et 19 ans. En attendant une décision du juge des enfants, nous nous sommes battus pour qu’Ibrahim puisse aller à l’école. Ibrahim a eu une place. Mais le jour de la rentrée, il a été signifié à Ibrahim que s’il était considéré comme majeur par le juge, il ne pourrait pas faire sa rentrée.

Il est reparti sans faire sa rentrée à l’école française.

Souleymane a 15 ans.

A Chartres, on lui a dit qu’il avait plus de 18 ans après un examen osseux. Il est parti ailleurs, on lui a fait refaire un examen osseux. Cette fois Souleymane a eu de la chance, l’examen a dit qu’il était mineur.

Diakité a 16 ans.

Quand les services de l’ASE lui ont dit qu’ils ne le considéraient pas comme mineur, Diakité s’est résigné, pour un temps. Après une semaine, il est retourné dans les locaux de l’ASE, a supplié qu’on le prenne en charge, a plaidé pour sa minorité et ne voulait plus partir. La police est venue, l’a emmené. Diakité s’est retrouvé dans une cellule du commissariat de Chartres. On lui a dit que peut-être il allait devoir retourner à Paris pour prendre un avion vers son pays. Mais Diakité avait saisi le juge des enfants, donc les policiers l’ont finalement laissé partir.

Madiba a 16 ans.

A lui aussi on a dit que ce n’était pas vrai, qu’il n’avait pas 16 ans. Qu’il mentait. Pourtant en Italie, il a été reconnu mineur, et tout le monde l’appelait « Bambino ».

Madiba lui aussi est passé par la Libye. Il y est resté emprisonné 2 mois. Il me dira qu’en prison, lui et ses codétenus sont restés pendant deux jours à côté du cadavre d’un homme.

Madiba a menti aux évaluateurs de l’ASE. Il a dit qu’il avait reçu son acte de naissance en Italie alors qu’il l’a reçu en France. Mais comme il l’avait reçu chez une personne qui l’a hébergé quelques jours, Madiba a eu peur qu’on dise qu’il n’était pas isolé en France.

Pour ce mensonge, Madiba ne sera pas pris en charge. Et il restera dehors pour le coup.

L’ensemble de ces jeunes rejetés sont exposés tous les jours à la rue, au rejet, à la faim.

Quand ils n’ont pas de place en hébergement d’urgence, ils dorment dehors, sous un porche, dans un parking.

Je pense à Abdoulaye, Mamadou, Ibrahim, et Madiba… à tous ceux qui sont repartis dans l’espoir de trouver enfin un lieu ou se poser, trouver des adultes référents, pour pouvoir enfin retourner à l’école, et enfin envisager un avenir.

Chance à eux.