Nouveau recul démocratique en Hongrie :  

Viktor Orban interdit le droit de grève dans l’éducation

 Solidarité avec les enseignant-es hongrois-es en lutte

A sztrajk alap jog ! La grève est un droit fondamental !

 

Le gouvernement de Viktor Orban en Hongrie porte un nouveau coup contre les droits démocratiques et l’éducation. Sur fond de contestation sociale des enseignant-es liée au gel des salaires, le gouvernement hongrois s’en est pris au droit de grève.

  • L’éducation hongroise sous Orban, le parent pauvre des politiques publiques

Depuis plusieurs années les syndicats enseignants hongrois réclament une amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Au sein des 27 pays de l’Union Européenne, la Hongrie est le 26e pays sur 27, derrière la Bulgarie, pour la rémunération des enseignant-es. Dans le premier comme dans le second degré, le salaire moyen d’un-e professeur-e équivaut à 7195 € par an, 599,5€ par mois. Lors de l’entrée dans le métier, ce salaire équivaut à 350 € par mois. Cette rémunération faible est très inférieure au Produit Intérieur Brut par habitant (11706 € par an).

Ces basses rémunérations sont entretenues par le pouvoir, qui a définitivement déconnecté en 2015 les salaires enseignants du salaire minimum. Les effets de cette austérité sur le système éducatif hongrois sont délétères : plusieurs milliers de postes ne sont pas pourvus du fait de la faible attractivité financière du métier et de charges de travail très lourdes, accrues par le manque d’enseignant-es.

Depuis 2010, le gouvernement Orban et le Fidesz au pouvoir n’ont eu cesse de tenter d’inféoder les enseignant-es, suscitant de fortes oppositions. La centralisation de l’administration et le contrôle du pouvoir, notamment par le biais d’un organisme bureaucratique, le klik, ont ainsi été dénoncés en 2016 dans le « mouvement des chemises à carreaux ». (Ce vêtement est devenu ironiquement le symbole de la contestation enseignante après qu’un membre du Fidesz a dit qu’il « en avait assez de voir défiler des enseignants mal rasés et en chemisette à carreaux »). Déjà alors les oppositions à la loi Orban sur l’école s’accompagnaient de revendications salariales.

  • Une mobilisation pour les salaires sur fond d’austérité

 Ces dernières années, ces exigences ont crû d’autant plus que l’inflation était très importante (+6,6% en 2021 par exemple !). Le 6 décembre 2021, alors qu’une négociation était en cours avec le ministère des Ressources humaines (EMMI), les syndicats enseignants ont découvert par la presse des annonces salariales faites par le cabinet du premier ministre hongrois. Le pouvoir a annoncé, au mépris des discussions alors en cours, une hausse des rémunérations de 10 % sous forme non de salaire mais d’une prime, qui peut être retirée à tout moment.

Dans le contexte d’inflation très forte et de gel continu des salaires depuis plusieurs années, les deux principales organisations syndicales, le Syndicat démocratique des enseignants (PDSZ) et le Syndicat des enseignants (PSZ) ont dénoncé une provocation. Ils revendiquent des hausses immédiates de 30 % en début de carrière et de 50 à 60 % à terme pour restaurer une attractivité minimale et pourvoir les postes manquants.

Les mesures salariales cosmétiques affichées dans plusieurs secteurs, dont l’éducation, doivent être reliées à la campagne électorale de V. Orban, candidat à sa réélection en avril 2022. Elles ne masquent cependant pas le plan global d’austérité budgétaire de 755 milliards de HUF (2,1 milliards d’euros) annoncé le 22 décembre 2021. Celui-ci prévoit des coupes budgétaires pour les secteurs de la recherche, les programmes d’étude à l’étranger ou encore l’hôpital public, pourtant aux prises avec les conséquences de la pandémie.

  • Sous pression, le gouvernement hongrois met fin au droit de grève

En réaction, PDSZ et PSZ ont appelé les enseignant-es à 2 heures de grève éclair le 31 janvier, puis le 14 Février. Suite aux décisions prises par V. Orban, l’organisation des grèves est très encadrée légalement et donc très contraignante pour les syndicats. Elles ont été plusieurs fois entravées par le pouvoir depuis 2019.

Poursuivant dans cette logique, le gouvernement hongrois a répondu aux mobilisations, très suivies, par l’autoritarisme. Le ministère des Ressources humaines a qualifié la grève d’illégale, puis le 11 février, le gouvernement a publié un décret qui impose la présence des enseignant-es grévistes dans les écoles et fixe horaires et cours à assurer. Les grévistes seraient dès lors amenés à travailler gratuitement. C’est une remise en cause totale du droit de grève. Ces mesures sont prises au prétexte d’un service minimum lié aux conséquences de la pandémie, provocation supplémentaire car les syndicats enseignants hongrois n’ont cessé de dénoncer, ces derniers mois, l’absence de mesures de protection sanitaire dans les écoles. Ils ont critiqué « un abus de pouvoir» et annoncé leur intention de saisir la cour de justice européenne.

Un tel décret constitue une étape supplémentaire dans la politique de contrôle autoritaire de l’éducation et au-delà de toute la société hongroise par le pouvoir de Viktor Orban.  

  • Face à l’autoritarisme, vers un mouvement de désobéissance civile des enseignant-es

En réaction, dans de nombreuses écoles, les enseignant-es se sont mobilisé-es ce lundi 21 Février. La « chemise à carreau », symbole de la contestation de 2016, a de nouveau été arborée. Un mouvement important de désobéissance civile s’étend et touche plusieurs établissements avec pour mot d’ordre : «  La grève est un droit fondamental ! ». Les organisations syndicales enseignantes, PDSZ et PSZ notamment, ont déposé un préavis de grève illimité pour le 16 mars prochain.

La FSU exprime sa pleine et entière solidarité avec les enseignant-es hongrois-es en lutte pour des conditions de travail et des salaires décents et qui défendent leur droit fondamental à la grève contre l’autoritarisme réactionnaire du pouvoir en Hongrie.

Les Lilas, le 22 Février 2022