Manifestation parisienne du 1er mai
Le nombre de commentaires, souvent contradictoires, se multipliant sur le mercredi 1ermai à Paris, il nous a paru utile que ce soit celles et ceux qui l’ont vécu qui relatent les faits.
D’abord savoir que cette manifestation s’est tenue dans une tension extrême, le nouveau Préfet de police de Paris, Didier Lallement, qui s’était « illustré » à Bordeaux avec les gilets jaunes, ayant choisi la confrontation directe avec les organisations syndicales.
Depuis des jours des chiffres aussi alarmants que fantaisistes laissant entendre que Paris était à la veille d’une journée d’émeute (« Paris capitale de l’émeute, 2 à 3000 Blacks Blocs attendus »), ont été utilisés par le gouvernement pour mettre en place une organisation policière disproportionnée, au regard des expériences passées, pour le bon déroulement d’une manifestation du 1er mai.
Dès le matin, un dispositif démesuré était mis en place, fermant des quartiers entiers de la capitale, et verrouillant dès 11h du matin la place d’où devait partir la manifestation. Des contrôles systématiques, même loin du rassemblement, (au début des lignes de métro, comme à Saint Denis par exemple) tentaient de dissuader les manifestants de venir. Les accès aux ponts pour traverser la Seine étaient inaccessibles empêchant la traversée de Paris du nord au sud, de très nombreuses stations de métro étaient fermées.
Les véhicules syndicaux ne pouvaient plus se mettre en place dès 12h15, alors que le départ était prévu à 14h30. Avec la camionnette FSU Ile de France, il nous a fallu plus de 20mn, déclaration du dépôt de manifestation en main, contacts avec les officiers de liaison sur zone qui ne pouvaient rien faire, avec le patron de la DOPC (direction de l’ordre public et de la circulation) sur le portable, pour pouvoir accéder. D’autres véhicules syndicaux n’ont pas pu s’installer.
Pour notre part, nous nous sommes mis en place, comme prévu, en fin du cortège syndical, à côté de Solidaires. C’était la CGT qui ouvrait, suivie de FO. Le cortège jeunes devait se mettre derrière la CGT, l’UNEF a eu maille à partir, alors qu’il ne se passait rien, avec les forces de l’ordre qui ont bloqué les manifestant-es avant de les laisser repartir.
Contrairement à ce qui était prévu lors de la signature avec la préfecture, le parcours était entièrement bouclé avec des barrages de CRS et de gendarmes mobiles à chaque angle de rues. Des artères étaient fermées, empêchant les manifestant-es de prendre part au défilé et celles et ceux qui le voulaient de partir.
L’avant bloqué, pas de dégagement possible par les latérales, la foule s’amassait, sans ordre, mais dans la bonne humeur et de manière bon enfant.
Dès le départ, des affrontements ont eu lieu sur le devant de la manifestation, donnant lieu à un gazage méthodique du carré de tête pour l’empêcher de se former. Lorsque que Bernadette Groizon est arrivée, la ligne de tête n’existait déjà plus, on a dû la faire attendre à l’arrière à côté de la montgolfière de la FSU Ile de France, elle n’a jamais pu rejoindre la tête. D’autres responsables nationaux sont venu-es puis reparti-es.
C’est dans un profond sentiment d’insécurité que le rassemblement s’est fait, avec une densité de plus en plus grande au fur et à mesure des arrivées. Autour des véhicules, en particulier celui de la FSU, des militant-es sans drapeaux syndicaux, sans badges. Certains avec des gilets jaunes, la plupart sans marque distinctive. Sentiment étrange et angoissant de ne reconnaître personne et de ne pas savoir à qui on à faire.
Dans le contexte de vacances scolaires, nous savions qu’il ne fallait pas compter sur un nombre important de camarades pour le Service d’Ordre, mais nous attendions quand même plus de syndiqué-es et de militant-es participant au défilé. On a su après coup, que beaucoup avaient été empêché-es de rentrer dans le cortège, d’autres, comme d’habitude, avaient décidé de rejoindre en cours. Nous nous sommes retrouvés à 12 autour du véhicule FSU. Les explosions redoublaient et le nuage de gaz de devant épaississait.
Brutalement, un mouvement de foule s’est déclenché, tout l’avant de la manif refluait, en panique. Les manifestant-es d’abord, puis une bande de jeunes, qui, comme dans de nombreuses manifestations, avaient sans doute provoqué les forces de l’ordre et enfin les CRS, déployés sur toute la largeur du boulevard, matraques en avant, gaz et lanceurs de LBD. Des cris, des insultes, des cannettes qui volaient, des pierres, des miltant-es du SO bousculé-es.Des militant-es projeté-es dans la camionnette, sur le groupe électrogène, heureusement sans blessures.
Les camarades du Service d’Ordre ont été au top. Tout le monde est resté aux côtés de la camionnette, personne n’est parti, alors que nous avons subi deux charges successives..
Un camarade, clairement identifié avec le brassard rouge du Service d’Ordre de la FSU Ile de France a été touché par une balle de LBD, au mollet. Durement sonné, nous l’avons allongé dans la camionnette en attendant de trouver un street medic.
A noter que la charge de CRS, une première dans une manif syndicale s’est terminée après les véhicules de la FSU et Solidaires. Quoi qu’en disent certains, le but n’était pas de s’occuper de « casseurs », il ne s’agissait pas de nasser pour arrêter. Le but était bien de faire exploser le cortège syndical.
Au retour de la foule, la donne n’était plus la même. D’abord pour certain-es camarades, faire face à une charge de CRS était une première. Et même pour les autres cela reste impressionnant, angoissant. On a bien constaté que l’ambiance générale n’était plus à la sérénité, surtout que comme membre du Service d’Ordre, quand il faut protéger, il est difficile de se protéger soi-même.
Quand le cortège est enfin parti, entre des interpellations diverses autour de la voiture en direction du conducteur ou de membres du Service d’Ordre, l’image de la camionnette bosselée après la charge, l’inquiétude sur le visage de camarades dès que des explosions retentissaient ou que le nuage de gaz épaississait en tête, le copain toujours pas pris en charge, on a fait le constat qu’on n’était plus en capacité d’assurer la sécurité autour du véhicule de la FSU et la rage au ventre, nous avons décidé de sortir la camionnette, comme FO venait à son tour de le faire, ainsi que des Unions Départementales et fédérations de la CGT.
Nous tenons à être clairs, cette décision a été prise, collectivement, par le seul Service d’Ordre de la FSU Ile de France, sans aucune intervention ou consigne de qui que ce soit.
Nous saurons par la suite que les attaques policières, ciblant les véhicules des Organisations Syndicales se sont poursuivies, tout au long de la manifestation, de manière méthodique, tout comme les agressions directes du Service d’Ordre de tête, celui de la CGT. Un cap a été franchi ce 1er mai, et cela est très préoccupant pour la suite.
Pour le Service d’Ordre de la FSU Ile de France :
Guy Trésallet – Nathalie Andrieux Hennequin – Béatrice Bonneau – Gérard Chaouat – François Crevot –